Vincent Tourraine
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webOS : l’exemple à ne pas suivre

#webOS #Palm #HP

Cette fois, l’affaire est pliée. HP se décide finalement à débrancher webOS (pardon, open-sourcer), au terme d’une année fatale pour Palm et son environnement mobile. L’heure du bilan qui fait mal.

Open-source, donc condamné

On ne finissait plus d’attendre la décision d’HP concernant webOS, la nouvelle est tombée cette semaine.

Alors bien sûr, techniquement webOS n’est pas “mort”, mais “open-sourcé”. En général, c’est une très bonne chose, mais dans ce cas il s’agit bien d’une façon polie de dire que personne n’en veut, et qu’on va donc se débarrasser du cadavre.

On l’oublie facilement, mais Palm était le leader de cette industrie, encore naissante, il y a seulement 10 ans. J’ai utilisé pendant quelques années un m100, puis un m505, et j’en garde d’excellents souvenirs. Le logiciel était bon, le matériel également, la marque avait du succès. Que s’est t’il passé pour en arriver aujourd’hui à un tel désastre ?

Logo Palm, Palm

Trop tôt ?

En 10 ans, les PDA ont évolué. Ils ont perdu leurs stylets, gagné une puce GSM et pas mal de capteurs, mais le concept et la forme sont essentiellement restés les mêmes. Ceci dit, lorsque j’ai laissé tomber mon Palm pour un iPod touch, la comparaison était cruelle. Dans les faits, le bond qualitatif était tout simplement énorme.

Palm m100 vs. Apple iPod touch
Palm m100 vs. Apple iPod touch

En 10 ans, Palm aussi a évolué, avec une excellente équipe (Jon Rubenstein à sa tête, notamment responsable de la création de l’iPod lorsqu’il était chez Apple), et un nouvel OS tourné vers le web, donc vers l’avenir. Des smartphones, une tablette, tout y est. Une acquisition par HP, enfin, qui avait encore récemment l’ambition de vouloir proposer un OS universel sur toute sa gamme de produits, en l’étendant des imprimantes jusqu’aux PC. Difficile d’imaginer de meilleures dispositions pour mettre un écosystème sur orbite.

Palm Veer, Pre 3, TouchPad, Palm
Palm Veer, Pre 3, TouchPad, Palm

Seulement voilà, aujourd’hui webOS est mort, et Palm n’existe plus. Direction les livres d’Histoire.

Trop tard ?

Difficile aujourd’hui de trouver une place entre iOS et Android ; mais pas impossible, comme semble le montrer Microsoft avec son Windows Phone (qui n’a rien de “Windows”, rappelons-le).

webOS était même en avance sur de nombreux points : multi-tâches, notifications, intégration des services tiers, recharge sans fil, la liste impose le respect. Seulement voilà, pendant qu’HP perdait du temps, ces bonnes idées sont arrivées chez les concurrents, les ingénieurs aussi. Matias Duarte, par exemple, est directement passé de « VP, Human Interface and User Experience » chez Palm à « Director, Android User Experience » chez Google. Les OS de bureaux évoluent tous les 3 à 5 ans environ, pour les mobiles c’est au maximum 1 an.

L’autre grand défi pour toutes ces plateformes (celui qui me concerne le plus, d’ailleurs) est de réussir à convaincre les développeurs afin de créer le cercle vertueux : plus de développeurs, donc plus d’applications, donc plus d’utilisateurs, donc plus de développeurs. Pour Palm, chaque appareil arrivait avec une nouvelle version de webOS, qui était rarement mise à jour. À titre d’exemple, le HP Veer est aujourd’hui toujours sur webOS 2.1.2, le HP Pre3 est sur 2.2.3, alors que le HP TouchPad est sur 3.0.4. Autrement dit, le niveau de fragmentation de webOS était comparable à celui d’Android, le nombre d’appareils vendus en moins.

Les frameworks ont également beaucoup évolué, sans doute dans le bon sens, mais trop fréquemment. Le dernier en date, « Enyo », repose sur du code HTML/CSS/JS, et donnait tout son sens à la vision originale de l’OS. Malgré cela, l’effort demandé était trop important, trop tard, et les développeurs ont besoin de davatange d’inertie.

Logo webOS, HP

Enfin, l’acquisition par HP en 2010, qui devait permettre de distribuer webOS à grande échelle, s’est finalement retournée contre Palm. Le nouveau CEO, le déjà débarqué Leo Apotheker, n’était pas intéressé par les smartphones, ni par les tablets (ni par les PC non plus, bizarre quand on est le premier fabricant mondial). Résultat : une mauvaise volonté évidente consistant à abandonner un produit (et toute la plateforme qui l’accompagne) un mois seulement après son lancement, au motif de ventes décevantes. Larry Ellison avait prévenu lors de la nomination d’Apotheker : « HP employees, customers, partners and shareholders will suffer. (…) The madness must stop ». Trop tard pour Palm.

Conclusion

J’ai encore du mal à comprendre comment un environnement aussi abouti peut disparaître si rapidement. Les leçons à en tirer sont nombreuses pour Google, Apple et les autres prétendants au titre. On peut bien sûr se réjouir de voir les bonnes idées de webOS déjà réinjectées dans ses concurrents, mais Palm pouvait espérer un sort moins tragique.