Vincent Tourraine
Blog

Comment « Parasite » utilise le smartphone pour mettre en scène la violence sociale

#film

Parasite est le nouveau film du réalisateur Bong Joon-ho. Vous en avez peut-être entendu parler. Il a remporté la Palme d’Or à Cannes, et rencontre un large succès en salles, en Corée comme en France.

Je ne vais pas vous spoiler l’intrigue. Dans les grandes lignes, le film raconte l’histoire d’une famille pauvre qui cherche à s’infiltrer dans une famille riche. Disons simplement que les choses ne vont pas se passer comme prévu.

Je voulais évoquer ce film brièvement sous un angle un peu particulier : comment Bong Joon-ho utilise le smartphone pour représenter à l’écran la violence sociale qui habite la plupart des scènes (#techangle).

Image « Parasite »
Image « Parasite »

Tout commence avec le premier plan. La famille pauvre réalise qu’elle vient de perdre son accès à internet car le voisin a changé le mot de passe de son réseau wifi. On plaisante sur les mots de passe évidents (« tu as essayé 123456789 ? ») mais on fait surtout remarquer à quel point l’accès à internet est important aujourd’hui. Pour communiquer, pour travailler, pour vivre.

Le père, toujours optimiste, offre une solution. Il faut tenir le smartphone bien haut, pour mieux capter le signal des voisins. Cette allégorie de l’ascension sociale, ici en élevant physiquement le téléphone pour échapper à sa condition, est omniprésente dans le film. Avec Snowpiercer (du même réalisateur), l’échelle sociale était horizontale ; ici, elle est verticale. Les pauvres vivent en sous-sol, les riches sur une colline.

On a aussi une scène plus classique d’un protagoniste qui cherche à contacter quelqu’un, lui envoie un message avec son téléphone, pour entendre la vibration de la notification provenant de la même pièce. Difficile de se cacher en portant sur soi un objet toujours connecté.

Et puis il y a cette scène merveilleuse de « mexican standoff » avec des smartphones. Le mexican standoff (ou « impasse mexicaine ») est un motif récurrent du cinéma d’action où plusieurs protagonistes se menacent mutuellement, et où le moindre faux pas peut avoir des conséquences terribles. Normalement avec des armes à feu, mais dans Parasite, ce sont des smartphones qui contiennent des vidéos réciproquement compromettantes. Le doigt n’est pas sur la gâchette, il est sur le bouton « Envoyer » qui diffuserait irrémédiablement ces vidéos. La scène est à la fois drôle et intense, moderne et classique, divertissante et significative.

Le smartphone n’est pas un objet très cinégénique, mais son absence de nombreux films contemporains est difficilement justifiable compte-tenu de son omniprésence dans notre vie quotidienne. Lorsqu’un réalisateur l’utilise judicieusement, le film gagne en authenticité et interroge l’impact des technologies sur notre société. Et avec Bong Joon-ho à la mise en scène, le résultat est tout simplement génial.